Il me presse de me pencher sur les récents mouvements sur le campus de l’Université de Lomé.
Il n’est un secret pour personne que l’éducation est en panne au Togo. Les élèves ne savent plus lire, écrire et parler. Pourtant, on les évalue et ils évoluent. Les étudiants massacrent la grammaire et l’orthographe. Pourtant, ils sont bel et bien étudiants et ils sortent diplômés pour intégrer le marché de l’emploi.
A qui la faute? Il urge que les acteurs à savoir les apprenants, les parents, les enseignants et l’Etat trouvent des solutions adéquates aux nombreux problèmes qui minent le secteur de l’éducation au Togo. En effet, certaines observations s’ imposent:
Les curricula de formation sont toujours calqués sur le modèle colonial plus d’un demi siècle après l’indépendance.
Notre système n’intègre pas suffisamment les nouveaux défis de l’ère moderne à savoir, les technologies de l’information et de la communication.
Notre système privilégie la théorie au détriment de la pratique et de la spécialisation.
Nous méprisons la culture de l’excellence et la motivation
Nous décourageons l’effort de créativité et d’ingéniosité des apprenants.
Nous sommes réticents au changement et aux nouvelles méthodes d’enseignement et d’apprentissage qui sont pourtant performantes
Nous persistons dans la technique du « bûcher et déverser pur »
Nous refusons de démystifier les mathématiques.
La liste est longue mais je m’arrête ici car il me semble plus important de m’appesantir sur certaines questions sensibles. Pourquoi un pays dit pauvre comme le Togo avait-il fermé l’INFA de Tove? Pourquoi l’Ecole normale d’Atakpamé avait-elle cessé de former les enseignants? Pourquoi l’éducation civique et la morale ont-elles perdu leur importance au cours primaire?
D’abord, on ne peut relever le niveau des élèves sans des enseignants de qualité. Il faut revoir la formation des enseignants, surtout ceux du cours primaire car c’est à la base que tout se joue. En effet, les professeurs d’université se plaignent du mauvais français des étudiants et c’est à juste titre. Cette situation est le résultat d’une combinaison de tares soigneusement entretenues depuis de longues années. A quand les assises nationales de l’éducation?
L’université, la grande Université de Lomé est à nouveau perturbée pour des revendications inchangées: surpopulation, réduction des frais de scolarité, allocation de bourses… Depuis 2011, on soulève les problèmes, on assiste aux course-poursuites, on discute, on signe des accords mais les problèmes demeurent. Pourquoi? En réalité, on manque de volonté politique pour résoudre les problèmes, parce que nous connaissons tous les vrais problèmes mais nous les contournons, ou mieux nous nous bornons à les caresser.
On n’a nullement besoin d’être expert en science de l’éducation pour se rendre compte qu’il n’y a pas d’adéquation entre la formation et les besoins du marché. Pourquoi former des milliers d’historiens, de sociologues et autres pour un pays qui n’a pas de routes, qui a une industrie embryonnaire et que sais-je encore? Pourquoi l’université de kara ne propose presque pas de formation autre que celle de l’université de Lomé? Nous avons cinq régions au Togo. Pourquoi ne pas concentrer l’énergie sur les filières techniques, mécaniques, électriques, électroniques technologiques… et créer de grandes écoles de formation spécialisées à répartir dans nos régions? Au delà des nombreux atouts académiques et économiques, cela aiderait les jeunes togolais à mieux connaître leur pays et à développer un certain sentiment national.
Je me réjouis que l’on mette l’accent sur l’entrepreneuriat des jeunes mais je remarque que la plupart des jeunes convergent vers la même activité: la vente de friperies. Pourquoi peu de jeunes se lancent-ils vers la transformation? Parce qu’ils ne savent rien créer. Ailleurs comme en Namibie par exemple, les étudiants en agronomie « nourrissent » la communauté universitaire, produisent et développent le secteur agro-alimentaire, pourquoi on ne fait pas de même? Pourquoi une étudiante en chimie ailleurs en Afrique, sait-elle transformer les sachets plastiques en briques de construction, recycler les papiers de bureau pour obtenir des papiers hygiéniques parce que tout cela est inclu dans son parcours à l’université et que nous nous ne faisons rien de tel? Il semble que le service hôtelier est toujours à l’étape d’amateurisme ici. Pourquoi ne pas créer des instituts adaptés pour former de façon professionnelle les jeunes dans ce domaine? Je demeure convaincu que de nombreux étudiants peuplent l’UL faute d’alternative. Si à part les deux Universités publiques, à part les écoles de BTS qui proposent également les mêmes choses, il y avait de véritables alternatives, l’UL ne souffrirait pas de ces effectifs pléthoriques. Le Togo regorgerait ainsi les meilleurs chefs, les meilleurs boulangers, les menuisiers les plus compétents, les plombiers les plus recherchés…en Afrique. Alors, les étudiants ne compteront plus sur les 100 FCFA/jour que l’Etat leur a consenti et s’affranchiront de l’assistanat que constitue l’attribution des aides parce qu’ils auront une source de revenus fiable. Pour un pays pauvre, on forme un nombre très réduit d’ingénieur, pour un pays où il y a une sage-femme pour 300 000 habitants, on limite considérablement l’accès à cette profession, il y a des médecins formés après de longues années d’étude qui sont sans-emploi et pourtant le nombre de médecins est insuffisant…comment peut-on affronter l’avenir dans ces conditions?
Pensez-vous qu’un jeune talonné par la faim et le besoin, mais qui a un savoir-faire pratique attendra un ministère ou un service spécialisé pour le réveiller avant d’entreprendre? La revente dans laquelle les jeunes se lancent n’est pas la solution d’autant plus que le pouvoir d’achat des togolais est faible. La conséquence c’est que bon nombre de jeunes « entrepreneurs » ferment leurs boutiques après quelques mois de courage. Non, il nous faut créer de vraies richesses dans des secteurs novateurs et porteurs, il nous faut produire aussi et non acheter pour revendre et consommer exclusivement. Quelle vision voulons-nous construire, quand un tapis fabriqué au Ghana voisin est vendu à 125 000 FCFA ici, pourquoi ne pas fabriquer nous aussi?Pourquoi tuer la consommation et l’initiative avec des prix d’achat et des taxes élevées? Nous sommes dans un monde où tout s’ apprend. L’éducation, la bonne est la clé de tout développement. Les têtes bien formées sont de bons citoyens, ils comprennent d’eux-mêmes qu’ils ne doivent pas jeter les plastiques dans la rue, qu’ils doivent respecter les institutions de la République, qu’ils ne doivent pas détruire les biens publics…
Togo vision 2030 serait une simple publicité si notre système d’éducation demeure inchangé. Il urge de réformer!